Chapitre 1 : Première escale, première claque
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Le vrai premier voyage : celui qui te transforme
Comme vous le savez peut-être, Lola est ma meilleure amie , et partageons une passion commune : le voyage.
On a longtemps étudié ensemble, puis travaillé côte à côte. Et puis, à 22 ans, nos chemins ont commencé à se séparer : Lola a poursuivi vers un master, tandis que moi, j’ai choisi la voie des saisons, été comme hiver.
Un soir de début d’été, au mois de juin, on était dehors, assises devant ma chambre. On venait tout juste de commencer nos boulots de saison. La discussion a doucement glissé vers cette envie d’évasion qu’on ressentait toutes les deux. Ce moment-là, on ne l’a pas vraiment vu venir. C’était simple, spontané. Mais quelque chose a basculé.
On savait qu’on travaillerait jusqu’à fin septembre, mais après ? Lola allait finir son alternance et son diplôme. Moi, je n’avais encore rien prévu pour l’hiver. Pas de projet. Pas d’envie précise. Et j’étais aussi au début d’une relation… difficile de me projeter.
Et là, cette question a surgi : Et si on partait ?
En octobre. Ensemble.
Pourquoi pas ? On était jeunes. On avait travaillé. Et plus que tout, on avait cette envie d’ailleurs, profonde, irrépressible.
On ne savait pas encore que cette idée, lancée à deux heures du matin, allait vraiment prendre vie.
Le lendemain matin, on s’envoyait déjà des vidéos de backpack, des paysages incroyables, des récits de voyage. L’Amérique latine s’est imposée à nous comme une évidence.
Et puis tout est allé très vite. Une semaine plus tard, nos billets étaient réservés.
Direction : la Bolivie.
Sans billet retour.
Sans itinéraire figé.
Juste l’intuition que ce voyage allait nous transformer.
Il y a des voyages qui te dépaysent.
Et puis il y a celui qui te retourne. Qui t’apprend. Qui te révèle.
Celui-là, c’était notre vrai premier voyage.
Durant les semaines qui ont suivi, l’excitation montait… mais la peur aussi. On ne savait pas vraiment dans quoi on s’embarquait. C’était grisant, mais aussi flou, un peu vertigineux. Je crois que c’est ça, la beauté du premier grand départ : ce mélange d’impatience et de doute.
Notre vol était prévu pour le 18 octobre .Ce qu’on savait, c’est qu’on avait hâte.
Très hâte.
On a commencé à dessiner un itinéraire, mais tout restait assez vague. On savait qu’on voulait découvrir la Bolivie, traverser le Pérou et finir en Colombie.
Mais le reste… c’était une grande page blanche.
Quelques jours avant le départ, on s’est enfin penchées sur le tout début du voyage. On a préparé nos sacs à dos, sans trop savoir si on avait pris les bonnes choses. Et on a commencé à se renseigner un peu plus sérieusement sur la Bolivie, notre premier pays. Le groupe Facebook Les Français en Bolivie nous a vraiment aidées à y voir plus clair : itinéraires, conseils, retours d’expérience… C’est là que le voyage a commencé à devenir réel.
Et puis le grand jour est arrivé.
Nos parents respectifs nous ont accompagnées à l’aéroport de Barcelone.
On était surexcitées. Deux filles, deux sacs à dos, zéro certitude, mais une envie folle de découvrir ce continent qui nous avait toujours fait rêver.
C’était notre toute première fois en Amérique du Sud.
Et on ne savait pas encore à quel point ce voyage allait marquer un avant et un après.
Nous avons atterri à La Paz, ou plus précisément à El Alto, l’aéroport le plus haut du monde, perché à plus de 4 000 mètres d’altitude. Il était environ 3h du matin. Exténuées par ce long voyage, nous avons pris un taxi, silencieuses, le corps lourd et l’esprit encore suspendu entre deux continents.
La ville était endormie.
Les rues étaient noires, désertes, presque inquiétantes sous ce froid sec.
On était à la fois surexcitées à l’idée de découvrir ce nouveau monde… et glacées, fatiguées.
Nous avions prévenu de notre arrivée tardive, alors en arrivant à notre petit hostel dans le centre, une chambre nous attendait. Une petite pièce simple, une douche partagée sur le palier, et quelques autres voyageurs déjà assoupis derrière des murs fins.
On s’est glissées sous les couvertures — quatre pour être exact — mais la nuit fut courte. Et froide.
Le matin, malgré les cernes et le décalage horaire, on n’a pas pu s’empêcher d’aller prendre un petit-déjeuner.
Puis, on s’est mises à explorer.
La ville nous fascinait autant qu’elle nous déstabilisait.
On s’est baladées dans le marché de El Alto, un chaos vibrant de couleurs et d’odeurs.
On a flâné au cimetière, immense, silencieux et presque poétique.
On a marché des heures, observé les maisons inachevées, les rues escarpées, les fils électriques emmêlés comme des toiles d’araignée.
On a levé les yeux vers les télécabines, ce réseau de téléphériques suspendu au-dessus de la ville, utilisé comme métro aérien — unique au monde, et tellement impressionnant.
La Paz n’est pas une ville facile. C’est une capitale qui ne se donne pas d’un coup. C’est haut, c’est brut, c’est froid, c’est immense. Et c’est tout sauf lisse.



Mais le plus intéressant, c’est ce qui se passait à l’intérieur.
Je ne disais rien… mais j’avais peur.
Ce n’était pas ma première fois en voyage, non.
Mais c’était la première fois de cette façon :
sans billet retour, dans des auberges de jeunesse, dans un pays où je ne connaissais rien, avec pour seul abri mon sac à dos.
J’avais peur de ne pas m’acclimater.
Peur d’avoir fait une erreur.
Peur de m’être trompée.
Et comme souvent, je ne disais rien.
Quant à Lola… Elle aussi vivait ses premières secousses intérieures. D’ailleurs, l’altitude n’a pas été tendre avec elle. Elle a eu une grosse migraine dès le deuxième jour — la fameuse "soroche", le mal d’altitude bolivien.
On est restées trois jours à La Paz.
Et avec le recul, je me rends compte d’une chose :
mes vrais premiers pas n’ont pas eu lieu en arrivant.
Ils sont arrivés… au quatrième jour.
Je crois que ce jour-là, j’ai pris la claque de ma vie.
On est parties tôt le matin, depuis El Alto.
On avait un plan un peu flou en tête : rejoindre Sajama, ce petit village au bout du monde, à la frontière chilienne.
Première étape : attraper un bus. On a supplié le chauffeur de nous déposer à Patacamaya — un simple nom sur une carte pour nous. Lui, il a obéi, et nous a laissées là.
Au milieu de nulle part.
Rien autour.
Juste une route, du vent, et nos sacs sur le dos.
C’est là que l’aventure a vraiment commencé.


On a marché jusqu’à ce qu’on trouve le “centre” du village. On savait qu’un bus partait chaque jour pour Sajama. Un seul. Huit places. Et quand il est plein, il part.
Par chance, on est arrivées juste à temps. Le bus était là, moteur allumé, encore en attente des derniers passagers.
En attendant, j’ai voulu aller chercher un café. J’ai mis plus de temps que prévu.
Et pendant ce temps-là, le chauffeur s’impatientait. Il voulait partir.
C’est Lola qui m’a sauvée : elle a insisté, supplié, retenu le départ.
Il a fini par m’attendre. De justesse.
La route a été longue. Très longue.
Mais quelle beauté.
Des paysages vides, infinis. Des terres rousses, des cieux vastes. Personne à l’horizon…
juste des lamas par dizaines.
C’était hors du temps.
On était ailleurs. Loin de tout.
Et pourtant, exactement là où on devait être.

Quand on est enfin arrivées à Sajama, la pluie tombait.
On ne voyait presque rien. Les capuches sur la tête, les pieds dans la boue, le vent qui gifle.
On avait réservé chez l’habitant, chez Anna et Mario.
On s’est réfugiées chez eux, trempées, fatiguées, sans avoir encore perçu ce que ce lieu avait à offrir.

Ils nous ont accueillies chaleureusement, avec simplicité et douceur.
Leur maison était mignonne, rustique, un cocon pour voyageurs gelés.
Mais le froid était plus mordant qu’à La Paz.
On a vidé nos sacs, enlevé nos couches humides… et puis, soudain, le soleil a percé.
On s’est regardées.
Et on a couru dehors.
Et là… la claque.
Le genre de claque que tu prends en silence, les yeux écarquillés, la gorge serrée.
On était dans un village de moins de 200 habitants.
Entourées de volcans majestueux.
De lamas qui marchaient en liberté.
De lumière dorée, d’air pur, d’espace absolu.
On était entre la Bolivie et le Chili, mais surtout, entre rêve et réalité.
Les larmes nous sont montées.
On n’en revenait pas.
On était submergées par l’émotion, l’excitation, l’évidence.
C’est là que j’ai su que j’avais fait le bon choix.
C’était pour ça que je partais. Pour ces moments-là.
Ces moments hors du temps où le cœur bat fort, où la peur s’efface, où il n’y a plus que l’instant.
J’étais avec ma meilleure amie, au bout du monde.
Et on était heureuses.
Et c’est tout ce qui comptait
Ce voyage n’était pas mon premier… mais il restera toujours ma première claque. Celle qui a changé ma façon de voir le monde. Celle qui marque aujourd’hui la première escale de Vagabonde : la Bolivie.

7 commentaires
Olalala ça ne peut que me parler, évidement… des souvenirs à vie ça
Merci pour ce partage ! J’ai toujours suivi tes voyages en photos mais faire vivre celui-ci par écrit est d’une grande richesse !
Un récit qui ouvre la voie aux rêves, merci pour ce partage d’enthousiasme, de ressenti et de désir. On saisit mieux la source de votre sourire et de votre bienveillance à toute les deux. Impatient de voir ton rêve de Vagabonde se réaliser à travers tes prochaines œuvres.
j adore …tres bonne idee ,tu as reussi à me captiver..j attends la suite avec impatience 🫶
j adore …tres bonne idee ,tu as reussi à me captiver..j attends la suite avec impatience 🫶