Chapitre 4 : Au cœur de l’Amazonie

Chapitre 4 : Au cœur de l’Amazonie

À notre retour à La Paz, nous avons retrouvé Guillaume et Nicolas, deux amis de France rencontrés au Pérou. Très vite, le plan était posé : on partirait ensemble pour vivre l’Amazonie.

La veille du départ, on a eu la brillante idée de finir en boîte techno. Nuit étrange, ambiance folklo, et forcément le lendemain… compliqué. Mais pas le choix : à 17h, nous embarquions pour Rurrenabaque. Dix-sept heures de bus, sur une route vertigineuse, cahoteuse, interminable. Le genre de trajet qui peut faire perdre des années de vie. Pourtant, la fatigue a gagné : on a dormi. Et au petit matin, miracle, nous étions aux portes de l’Amazonie.

L’air était lourd, humide, moite. Rien à voir avec l’Altiplano. Nous avons passé la journée au bord de la piscine d’un petit hôtel, à récupérer, à flotter dans l’eau, à nous préparer mentalement. Ce soir-là, personne n’a fait les malins : demain, la jungle nous attendait.

Après un petit-déjeuner costaud, nous avons pris le bateau puis la piste pour rejoindre la Selva – la jungle dense, moite, impénétrable. Notre guide s’appelait Hernan, un mélange improbable entre un Maori et un Bolivien.. avec son acolyte. Rien que leurs têtes annonçaient l’aventure.

Premier arrêt : presser la canne à sucre, un jus frais qui nous a semblé être le meilleur du monde. Puis, après plusieurs heures de bateau, nous avons atteint un campement. La plupart du groupe s’y arrêtait pour la nuit. Pas nous. Avec Guillaume, Nicolas et Lola, nous avons choisi l’option jungle.

Sac sur le dos, quatre litres d’eau chacun, nous avons marché plus de trois heures et demie dans une moiteur étouffante. On ruisselait, mais la jungle nous happait. Hernan nous a fait goûter des termites et montrer comment fabriquer des gourdes de fortune avec des feuilles. On riait, on se croyait dans Koh-Lanta.

À la tombée de la nuit, lessivés, nous avons plongé dans la rivière. Hernan, sérieux :
— « Pas trop longtemps. Les crocos sortent à la nuit. »
On a ri. Mais non, il ne plaisantait pas.

Le campement était minimaliste : tapis de yoga au sol, une moustiquaire pour tout bouclier. Mais l’ambiance était dingue. On a préparé des pâtes aux légumes autour du feu, fiers comme des explorateurs. Puis est venue l’épreuve de la vaisselle… dans la rivière.

Lola et moi avions les deux frontales. Les garçons, les mains dans l’eau. Dès qu’on tournait la tête, ils se retrouvaient plongés dans le noir. Panique à bord. « On voit rien ! » hurlaient-ils. Nous, mortes de rire, on s’amusait à chercher des yeux de crocodiles. Entre peur et fou rire, c’était un sketch grandeur nature.

Puis Hernan a proposé une balade nocturne. On n’en pouvait plus. Avec Lola, on a décidé de rester. Avant de partir, il m’a tendu une machette :
— « On sait jamais. »
On a éclaté de rire. Sauf que quelques minutes plus tard, le second guide s’approche, visage fermé, et me souffle à l’oreille :
— « Pásame la macheta. »
Passe-moi la machette.

Je jette un regard à Lola. Panique. Le guide rôde, revient, et lâche : « Un jaguar tourne autour. Un bébé. » Comme si ça changeait quelque chose. On s’est vues dévorées vivantes. On n’attendait qu’une chose : le retour d’Hernan et des garçons. Quand enfin ils sont apparus, le soulagement a été total. Cette nuit-là, on a dormi comme des bébés.

Au réveil, chants d’oiseaux, café bouilli dans l’eau de la rivière, petite pêche artisanale. Puis cap sur la Pampa – marécages et canaux où la faune se montre sans détour.

Un lodge simple, au bord des rives, une pirogue, et nous voilà partis. Très vite, le décor nous a coupé le souffle : la nature grouillait de partout. Les rives étaient tapissées de crocodiles immobiles, des capybaras somnolaient au soleil, des oiseaux tropicaux s’envolaient au-dessus de nos têtes, et parfois un singe curieux nous observait depuis les arbres. On avait l’impression d’être dans un zoo… sauf qu’ici, c’était la vraie vie. Pas de cages, pas de barrières. Juste nous, une pirogue et l’Amazonie dans toute sa démesure. 

La pirogue s’enlise : plus d’eau. Hernan, imperturbable :
— « Descendez… et poussez. »
On croit à une blague. Pas du tout. Pieds dans l’eau, là où brillent des dizaines d’yeux.On pousse. On rit nerveusement. On crie. On avance à petits pas, persuadés qu’on va marcher sur un caïman.

Et soudain, on aperçoit une vache enlisée, les quatre pattes coincées.
— « Elle ne passera pas la nuit », lâche Hernan.
Je proteste : « Alors on la sort ! »
Lui, hilare : « Tu avais peur de mettre un pied dans l’eau, et maintenant tu veux sauver une vache ? »
Oui.

À quatre, on tire, on pousse, on soulève. La vache gémit, nos bras tremblent, nos cœurs battent à toute allure. On rit parfois, nerveusement. Et puis, d’un coup, elle se libère, on parvient à la sortir de l’eau. Vivante. Sauvée. On se regarde, les yeux brillants, bouleversés d’avoir vécu ça. Je me mets à pleurer toutes les larmes de mon corps. Soulagés, émus. Franchement : qui peut dire avoir sauvé une vache… au milieu des crocodiles ?

Le retour ? Pire encore. Pour éviter les bancs de crocodiles, Hernan nous a fait descendre encore et encore, traverser la rivière d’une rive à l’autre, les pieds dans l’eau. Chaque pas était une loterie. On se collait, on criait, on rigolait comme des dingues. Une vraie aventure comico-horrifique.

Le soir, Hernan nous a offert une cérémonie Pachamama : un hommage à la Terre Mère avec incantations, cigarettes et alcool. Puis il a raconté sa vie : orphelin, élevé par ses grands-parents, survivant dans la jungle dès l’enfance… Un récit digne d’un film. On était scotchés, certains en larmes.

Sur le chemin du retour à ma cabane, l’Amazonie a eu son dernier mot : une bestiole volante m’a piquée en plein œil. Paupière gonflée façon ballon de baudruche. Je fonce voir Hernan. Il ramasse de la terre, crache dessus, et m’applique le tout en cataplasme improvisé. On a éclaté de rire. Absurde. Lunaire. Mais efficace.


Le lendemain, dernière étape : nager avec les dauphins roses. À ce stade, on se sentait invincibles. On descendait de la pirogue sans attendre, on poussait la barque comme si les crocos n’existaient plus.

Et puis ils sont apparus : gracieux, étranges, magnifiques. Les dauphins roses. Sans hésiter, on s’est jetés à l’eau. Oui, les crocos n’étaient pas loin. Mais ce jour-là, rien ne comptait.

L’Amazonie nous avait effrayés, émerveillés… et rendus plus vivants que jamais.

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1 commentaire

Incroyable !! Mais quelles aventures alors 🫣 !!!
J’ai voyagé encore une fois 🤗
Merci 😍

Bibie

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